Géographie est un genre de prose non encore identifié, une écriture de soi, sans pour autant être un carnet ou un journal, qui aborde une diversité de thèmes dont le plus prégnant est sans doute la réflexion sur le vide et son expérimentation par le biais d’exercices (« exercice de rien », « exercice de voix », « exercice de vision », « exercice d’écureuil »…). Un minimalisme qui tend à l’abstraction, mais ne s’y perd pas. À travers une écriture très attentive au rythme et à la captation du détail dans la sensation, le narrateur n’a de cesse de saisir son entité flottante. Étendant la notion de territoire de l’espace de la conscience à celui de la maison, du jardin, du voisin, il dessine une sorte de nouvelle carte du Tendre.
Tenter cette démarche vers l’intériorité, c’est aussi se tenir au plus près de son vide. D’où la peur d’y tomber et l’effort d’invention qui s’ensuit, qui consiste à échafauder des constructions de langage éphémères : de petits tableaux mettant en scène des personnages récurrents, aussi farfelus les uns que les autres. Ces mini-récits viennent en contrepoint constituer le fil qui maintient l’équilibre – un équilibre de clown.
De bout en bout, ce livre est sous-tendu par une recherche du fond, de l’essentiel, qui tourne parfois à l’enfermement, souvent à la fantaisie, dans une attente de cohérence passive : « si je n’essaie pas de dire quelque chose, quelque chose aura peut-être une chance de me dire ». Il y a là la revendication d’une parole du rien, d’un en-dessous de toute performance, en somme d’une oisiveté travaillée. La géographie serait donc ce qui reste quand il n’y a pas de quoi faire une histoire, le paysage que l’actualité ou l’activité occultent un peu illusoirement.