Une serveuse drague des filles entre deux services. Une cow-girl est bien trop sexie et hardie. Une mère s’inquiète pour la santé de son enfant à naître. Diane est trop blonde, sort trop tard le soir. L’auto-stoppeuse hésite. Lola la poule est une sale gosse qui vénère ses chaussures. Et Béatrix écrit les amours de sa vie en ne sachant jamais trop quoi penser de son corps que son regard déforme...
Dans ce roman au charme fascinant, Béatrice Cussol entrecroise les histoires d’icônes féminines, héroïnes ou anti-héroïnes désirantes, excessives, à travers le prisme d’une langue ciselée, d’un baroque délicat. On entre dans un rêve où le désir règne en maître, où la réalité se confond avec les fictions collectives. Ainsi, les deux héroïnes de Mulholland Drive de David Lynch apparaissent-elles avec leur énigme et leur passion, tout comme un couple de meurtrières tragiquement célèbre : Pauline Parker & Juliet Holmes (ayant été adapté au cinéma par Peter Jackon sous le titre Créatures célestes). Des ambiances cinématographiques intenses et feutrées, en réminiscences obsédantes. On distingue aussi la silhouette de Marilyn Monroe ainsi que les tribulations drôlement incarnées des Vixens de Russ Meyer... La femme, fille, mère, amante, rencontre, souvenir, est un corps rempli d’affects, lancé dans le monde en quête d’aventures dont elle est tour à tour maîtresse ou victime. Avec tendresse et cruauté, l’auteure manipule ses personnages-marionettes, nous faisant découvrir leur intériorité comme une petite fille déshabillerait ses poupées, avec un sourire angélique et sadique.
Faisant appel à l’imaginaire du lecteur, le sollicitant à travers une esthétique qui n’appartient qu’à elle, Béatrice Cussol crée un roman magnétique. Chaque phrase y constitue un univers à part entière, multipliant les bifurcations narratives, dans la tradition d’un Borges. Transgenre et agénérique, ce roman est avant tout un rêve littéraire à explorer sans retenue.