Tout le monde se souvient de Sœur Sourire. Cette nonne chantante brutalement propulsée au numéro un des hits parades mondiaux avec son tube « Dominique-nique-nique » qui a même détrôné Elvis Presley du Bilboard… Ce qu’on connaît moins, c’est son histoire tragique. Peu après son succès, elle quitte le couvent et vit avec une femme, Annie Pécher (de son véritable nom). La réadaptation à la vie profane est difficile, surtout lorsqu’elle se rend compte que le fisc lui réclame des sommes astronomiques alors qu’elle n’a pas touché un seul centime des recettes de sa fameuse chanson : en tant que nonne, en vertu des vœux de pauvreté et d’obéissance, le couvent en avait bénéficié à sa place. Elle tente de relancer sa carrière musicale pour se renflouer mais en dehors de l’aura religieuse, ses chansons naïves n’intéressent plus les foules. Prise au piège dans cette situation absurde, ruinée, désespérée, elle finit par se suicider avec sa compagne, à 52 ans.
Dans le style direct et emprunt d’humour qu’on lui connaît depuis Ouestern, Claire Guezengar écrit l’itinéraire atypique et idéaliste de Sœur Sourire, réinventant parfois une vie qui dépasse la fiction. Le récit, à la première personne, s’apparente au style oral et familier des confessions de rockeurs. Ses propos et son attitude rejoignent, mais de façon décalée, ceux d’une génération pleine d’idéaux. C’est aussi l’itinéraire d’une femme écartelée entre ses contradictions en pleine révolution féministe. Claire Guezengar fait de Sœur Sourire une icône révoltée ayant mal choisi sa révolte. Une héroïne pop et tragique. En d’autres temps, d’autres lieux, elle aurait sans doute été punk.
Couverture : Ivo Provoost & Simona Denicolai