Récemment décédé, Charlie nous parle du lointain de son corps. Il nous décrit les hommes qui le découvrent noyé et l’emportent dans un body-bag. Il a 11ans. Soha, sa mère, est une mannequin désincarnée – cigarettes et cocaïne au menu. Son père, Nadar Suarès, est surveillant de baignade dans une piscine municipale et exécute pour le compte d’Adrien Labsman, dealer de films X, quelques contrats…

Commandité par ceux qui veulent en finir avec leur progéniture, Nadar Suarès est engagé pour supprimer la vie à des êtres neufs. Dans cette société, le désir d’infanticide est une donnée stable ; l’enfant, une gêne ; et l’eau a muté en un linceul pour jeunes corps noyés.

Nunca Vélasquez, nageuse troublante et que la peur fait survivre, reconnaît en Nadar le visage du meurtrier de son jeune frère... la liaison qui s’ensuit avec lui l’amène à s’enfoncer dans la folie dont on l’a persuadé, gommant les images qu’elle n’aurait jamais dû voir. Nadar, héros dépersonnifié, aveuglé par le deuil tuera Labsman qu’il croit à l’origine de la mort de son fils et démasque sa double vie criminelle auprès de Soha qu’il croit être la commanditaire. Nadar avec la tranquillité d’un condamné – acculé et piégé – attend. Les sirènes de police se font entendre et Charlie nous révèle la véritable identité de son meurtrier par innocence...

La mort de Charlie et son incarnation en une voix prophétique – matière vivante et sensible face à un monde désenchanté – rythme, en amorçant chaque chapitre, cette histoire d’une vertigineuse concision. L’intrigue agit comme un leurre ; fabrique cruelle de réel et de vérités usurpées qui plongera le père à la culpabilité intrinsèque dans une chute ultime. Un monde inversé dans lequel la mort seule dialogue avec le vivant.

Après Serviles servants, roman dans lequel il transpose l’histoire d’Apocalypse Now dans le cadre d’une fiction ancrée dans notre époque, Tarik Noui s’attache dans Rouge à lèvres sur le plongeoir d’une piscine municipale au genre ; celui du thriller ficelé avec des nœuds savants et remuants le terreau de notre mythologie inconsciente.