Avec Suite suisse, Hélène Bessette explore les tribulations de l’écrivain contemporain, l’écrivain dont écrire est la vie mais qui ne peut vivre de sa plume, n’a aucun goût pour un autre travail qui lui permettrait de gagner se nourrir et n’est pas rentier. Un écrivain qui, donc, va de mauvaise fortune en mauvaise fortune en tentant de préserver malgré tout l’espace de liberté que crée son écriture. Et de rester en vie, malgré les vicissitudes de l’existence.
Étant la parfaite représentante ce destin tragique – écrivain femme, qui plus est –, Hélène Bessette réalise avec Suite suisse plus encore qu’à travers ses autres livres une manière d’autofiction, évoquant son exil en Suisse à la recherche d’un pays moins hostile à ce qui est considéré comme une activité marginale – l’écriture.
Comme dans ses autres livres, elle évoque avec humour et sans concession la cruauté de la vie et des rapports humains, l’échec de ses demandes d’emploi, la vie dans les hôtels et les pensions de famille, son amour immodéré des Tea Rooms, la rencontre toujours conflictuelle entre sa sensibilité exacerbée et le visage lisse que lui offrent les autres, ceux qui s’agitent dans une vie dont elle se sent exclue.
Si Suite suisse est le récit d’une errance, elle n’est pas dénuée d’auto-dérision, bien au contraire. Hélène Bessette trace cette suite de tableaux avec audace et humour, d’un ton à la fois mélancolique et toujours doté d’une intense énergie. D’un style inimitable qui n’est pas sans rappeler Gertrude Stein, Suite suisse est une étape importante dans la constitution de son « roman poétique », à la fois puissamment ancré dans la narration et outrepassant les limites même du genre pour offrir à l’imaginaire du lecteur des sentiers poétiques bifurquants.